Vous n’avez peut-être pas suivi les déboires d’une aventure d’écriture qui ne put se faire aussi complètement que je l’aurais souhaité. Point d’animatrice, ni d’atelier d’écriture, pas d’opération inter-générationnelle ni de livre édité. Qu’importe, je me débrouillai seul avec ma troupe et les difficultés techniques.
Quand l’occasion faisait l’écrivaillon, ils prenaient la plume pour s’envoler au dessus des chemins de l’imaginaire, de la contrainte formelle ou de leur fantaisie. Écrire, écrire pour enfin dépasser cette barrière si souvent dressée devant leur parcours scolaire. Écrire sans se soucier des fautes ou des lectures incertaines. Écrire et mettre en forme un recueil personnel pour l’éternité !
Au terme d’une année scolaire, ils ont la possibilité de montrer à tous ce qu’ils ont fait dans leur coin. Ils ont pris le sac sur le dos pour avaler les quelques kilomètres qui les séparaient du salon des écrits de jeunesse. Quand le soulier est léger, on peut aller sur tous les chemins de l’imaginaire. Ils vinrent ainsi sans peur ni timidité lire leurs petits textes à la périphérie du marché.
Le micro en main, pas moyen de les arrêter. Les comptines, les jeux de mots, les histoires fantastiques, leurs sacs à tristesse et même des récits de vies pas vraiment drôles. Lire en public, lire face à des inconnus, c’est évacuer l’angoisse, la douleur couchée sur le papier et les années de galères scolaires.
Ils ont découvert d’autres jeunes pareils à eux, des enfants encombrés de difficultés. Ils avaient en commun le même professeur à une année d’intervalle. Les mêmes attitudes, le même engagement dans leur façon d’aller vers les autres, d’oser et de laisser aller cette imagination qui ne doit jamais être bridée.
Les deux classes se sont regroupées dans une salle du collège tout proche. Les visiteurs furent étonnés de quelques détails qui révèlent une relégation insidieuse. « Monsieur, il n’y a pas de papier dans les toilettes ici ! ». C’est à ces détails qui échappent à tant de nos responsables que l’on devine les concessions faites à la fureur de quelques-uns.
Puis ils sont arrivés sur les lieux du salon de VEFA. Ils ont pris leur repas à l’ombre de la cour. Il fallait prendre des forces et récupérer des émotions de la matinée passée sur le marché. Ils avaient encore à participer à un atelier d’écriture. Trois petits groupes, des enfants qui s’expriment, laissent aller leur fantaisie. Avec Aline, les fils de Poséidon et de Dracula croisent deux jeunes filles : une sirène et la petite amie de Thor. Ils se créent des animaux fantastiques qu’ils doivent définir.
Avec Valérie, les enfants ont le pouvoir de changer le temps et le Monde. Ils découpent une carte postale, transforment l’environnement du paysage. Puis choisissent un mot qu’ils accolent aux photos des autres. Quand ils retrouvent leur dessin transformé et les mots des autres, ils sélectionnent un des mots suggérés pour écrire une histoire à partir de l’image.
Avec Pascale, quatre filles dans le vent font leur cinéma. Tout commence par un extrait de Métropolis de Fritz Lang. Les demoiselles choisissent alors un genre cinématographique. Océane donne dans la comédie romantique, Lucie aime le fantastique, Clémence tombe dans la série noire et Safiya explore la science fiction. Puis nos scénaristes mettent en mot le film qu’elles se sont projeté dans leur tête.
Le temps file, les enfants sont sages. Ils écrivent, ils rêvent, ils inventent. Ils lisent et se moquent des fautes et des mots qui se dérobent, des maladresses et des lourdeurs syntaxiques. L’imagination a pris le pouvoir, le professeur est en retrait et se contente d’écrire ces quelques lignes. C’est la magie du salon des écrits de jeunesse ….
Observateurement leur.